«La démocratie n’est pas une réalité figée mais un processus qui doit être renouvelé en permanence»

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12 Juin 2025 16:45
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«La démocratie n’est pas une réalité figée mais un processus qui doit être renouvelé en permanence»

L’organisation IDEA International œuvre depuis trois décennies en faveur de la promotion de la démocratie, selon La Tendance, citant le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cet anniversaire intervient à un moment où les régimes démocratiques subissent des pressions partout dans le monde. Qu’est-ce que cela signifie pour la prési-dence suisse du Conseil cette année?

Adrian Junker (AJ): La présidence se déroule sur fond d’incertitude croissante. Les démocraties sont confrontées à la polarisation, à la désinformation et à la perte de confiance, ce qui confère à la Suisse une responsabilité particulière. Nous voulons encourager les échanges entre les démo-craties, renforcer le travail d’IDEA International et contribuer à rendre les régimes démocratiques plus résilients.

Quels sont les objectifs que la Suisse s’est fixés pour la présidence du Conseil?

AJ: Trois priorités ont été définies : nous souhaitons tout d’abord faire progresser la mise en œuvre du mandat d’IDEA International en exerçant une présidence active et inclusive. Nous pro-fitons également de ce 30e anniversaire pour renforcer la visibilité et l’impact de l’organisation. Enfin, nous veillons à assurer sa stabilité financière, notamment en augmentant les contributions de base des États membres. En matière de contenus, nous mettons l’accent sur l’interaction entre démocratie, inclusion et prospérité en tant que vecteur du développement durable.

La démocratie n’est pas une option souhaitable, c’est une condition indispensable pour assurer la paix, le développement durable et la cohésion sociale.

Une assemblée extraordinaire du Conseil des 35 États membres se tiendra à Stockholm le 12 juin. Quels sont les principaux messages de la Suisse?

AJ: Les démocraties doivent préserver leur capacité d’apprendre et de se renouveler. C’est pré-cisément en période de tensions géopolitiques qu’il est nécessaire d’investir de manière ciblée dans les institutions démocratiques, l’éducation politique et le dialogue ouvert. La démocratie n’est pas une réalité figée mais un processus continu qui exige de l’engagement et du courage face au changement, et qui mobilise la coopération internationale. L’assemblée du Conseil d’IDEA International sera précédée de la conférence de Stockholm sur l’intégrité électorale, à laquelle la Suisse sera représentée par la Chancellerie fédérale et la Direction du développement et de la coopération (DDC), ce qui illustre l’approche interdépartementale de la Suisse, selon laquelle différentes entités de l’administration fédérale, dont la Chancellerie fédérale, la DDC, la division Paix et droits de l’homme (DPDH) du DFAE et l’Ambassade de Suisse à Stockholm, travaillent en étroite collaboration.

Patricia Danzi, vous assurerez la présidence de l’assemblée extraordinaire du Conseil d’IDEA International à Stockholm. Quel est le rôle de la promotion de la démocratie dans la coopération internationale?

Patricia Danzi (PD): La démocratie n’est pas une option souhaitable, c’est une condition indispensable pour assurer la paix, le développement durable et la cohésion sociale. L’expérience de nombreux pays partenaires le montre : lorsque les institutions démocratiques fonctionnent bien, les perspectives augmentent et la stabilité s’installe à long terme.

Notre force réside dans la pratique. La démocratie suisse est fédérale, participative, conforme à l’état de droit et elle protège les minorités. Les expériences dans ce domaine influencent notre action à l’échelle internationale.

Pouvez-vous citer des exemples concrets de la manière dont la Suisse renforce la démocratie dans le cadre de la coopération internationale?

PD: En Europe de l’Est, la Suisse soutient un dialogue régional visant à renforcer les systèmes judiciaires, notamment leur capacité à communiquer les décisions de manière compréhensible, et ainsi à promouvoir l’équilibre des pouvoirs. En Macédoine du Nord, la DDC soutient le parlement et encourage le dialogue entre les partis et la coopération avec la société civile. Au Cambodge, nous créons de nouvelles possibilités de participation pour les jeunes grâce à des projets impliquant les médias. Au Bénin, nous soutenons les communes afin que leurs citoyens puissent définir eux-mêmes leurs priorités au niveau local. Et en Ukraine, la DDC promeut la participation numérique aux processus démocratiques et la transparence de l’administration dans des communes souvent reculées. Ces exemples démontrent que la promotion de la démocratie est efficace lorsqu’elle s’attaque à des problèmes concrets et qu’elle bénéficie aux populations locales.

La stratégie de politique extérieure 2024-2027 met également l’accent sur la promotion de la démocratie. Le DFAE a récemment publié ses propres lignes directrices à ce sujet. En quoi consiste l’expertise spécifique de la Suisse?

AJ: Notre force réside dans la pratique. La démocratie suisse est fédérale, participative, conforme à l’état de droit et elle protège les minorités. Les expériences dans ce domaine influencent notre action à l’échelle internationale. Nous misons sur les processus à long terme, le dialogue, le renforcement des institutions, ainsi que sur des médias indépendants et une société civile active. Ces nouvelles lignes directrices nous permettent d’affiner notre profil et d’unir nos forces.

La promotion de la démocratie est efficace lorsqu’elle s’attaque à des problèmes concrets et qu’elle bénéficie aux populations locales.

Les lignes directrices énoncent que la promotion de la démocratie doit rendre les démocraties plus résilientes face aux changements géopolitiques. Est-ce que cela implique une nouvelle orientation, y compris pour IDEA International?

PD: Oui, les limites de son rôle ont été repoussées. Auparavant, IDEA International se concentrait sur les processus de transition. Aujourd’hui, il s’agit plus que jamais de protéger et de renforcer les démocraties existantes, en particulier là où elles subissent des pressions. Cela nécessite une intégration politique accrue, une priorisation et des partenariats équitables, avec tous les acteurs concernés. L’introspection et l’autocritique font également partie intégrante de ce processus. La démocratie doit être renouvelée en permanence, y compris dans les systèmes établis : elle ne va jamais de soi.

Quels sont les risques si les démocraties perdent leur capacité de résilience?

PD: Il faut alors s’attendre à ce que le pouvoir exécutif étende ses prérogatives, que les principes de l’état de droit soient affaiblis ou que la polarisation et la violence augmentent. En résumé, la stabilité sociale est compromise. L’incapacité des démocraties à se réformer ou à entretenir le contact avec les populations peut créer un vide. C’est pourquoi nous devons aujourd’hui investir dans ce qui fonde les régimes démocratiques, aussi bien au niveau local, régional que mondial.